En coaching nous avons souvent des clients qui ne trouvent pas le temps de venir à leur rendez-vous et qui annulent au dernier moment. Cela peut arriver ponctuellement, et pour ma part je ne leur en tiens pas rigueur, mais quand cela devient régulier, cela a une signification dans la relation de coaching. Ils ont toujours de très bonnes raisons… Un séminaire impromptu à organiser, un appel d’offre par-ci, un remplacement à faire par-là, les excuses professionnelles sont légion. Mais alors pourquoi est-il si difficile pour certains professionnels de se déconnecter du travail, de rentrer chez eux, ou d’accorder du temps à une autre activité ?
Le travail et l’effort survalorisés
L’effort et le travail figurent en bonne place dans nos systèmes de valeurs et sont souvent survalorisés, ce sont ces injonctions que l’on se donne : « tu dois travailler dur pour vivre », compris par « tu dois travailler beaucoup ». Trop. Pour certaines personnes, cette valeur est élevée à hauteur de précepte, de fondement de vie. D’ailleurs c’est avant tout la quantité qui prime, au détriment de la qualité parfois. Car finalement on peut difficilement faire du bon travail lorsque l’on frôle le burn out…
L’illusion d’être indispensable
Il y a souvent derrière l’incapacité à se déconnecter du travail le désir de se montrer indispensable, et par là même de (se) prouver que l’on a une importance pour ce monde et pour l’entreprise. Il est évidemment toujours flatteur de prendre en charge de nombreuses responsabilités. Je crois qu’il y a à tous les niveaux de responsabilité le deuil de « l’indispensabilité » à faire, car les cimetières sont remplis de personnes indispensables. Plus une personne se rend indispensable, plus elle déresponsabilise ses équipes, ou même ses n+1. Certains sont devenus maîtres dans l’art de se rendre indispensables auprès de leurs collaborateurs. Ils tombent alors dans une situation de « triangle dramatique » où ils se mettent délibérément en situation de sauveurs, pour se retrouver ensuite dans le rôle de celui qui subit cette situation devant ses supposés bourreaux – les collaborateurs qui « ne font pas leur travail ».
Incapable de déléguer
L’incapacité à savoir déléguer est très fréquente. De nombreux professionnels répondent qu’ils délèguent mais « pas complètement » : savoir déléguer correctement c’est pourtant déléguer complètement. Je vais même jusqu’à dire que déléguer de manière incomplète équivaut à saboter le travail. En analyse transactionnelle*, on peut dire que la personne accorde trop de place à son « Parent Normatif », cette instance en nous qui défend des valeurs et des croyances parfois au détriment de notre propre épanouissement, ce « moi » gardien des lois et des normes, qui a tendance à tout vouloir régir et contrôler.
L’employeur s’en mêle
Un salarié est souvent jugé par les dirigeants à l’aune de sa volonté de donner – voire de sacrifier – son temps pour l’entreprise, en particulier lorsqu’il souhaite monter hiérarchiquement. Ou plutôt, le salarié le croit-il…et de s’imposer lui-même des obligations très contraignantes (si je ne reste pas jusqu’à 20h je perdrai mon emploi, etc.). Finalement, lorsque j’approfondis la question avec mes clients, nous concluons que ces décisions sont bien souvent basées sur des craintes imaginées plus que sur des réalités confirmées.
Reprendre le pouvoir !
Reprendre en main le temps que l’on accorde à son activité professionnelle, c’est reprendre de la puissance sur sa vie. Une personne qui est dépassée par son temps professionnel, c’est une personne qui se rend intentionnellement esclave en quelque sorte. Dans le rapport au temps, il y a une notion de choix. Mes clients me disent qu’ils veulent changer de job, ensuite ils me disent qu’ils doivent annuler leur rendez-vous car ils ont trop de travail. La raison qu’ils se donnent est qu’ils sont bien « trop consciencieux pour délaisser leur responsabilités » : mais où est leur priorité ? Ils ont fait un choix, c’est souvent leur Parent Normatif qui l’a fait pour eux.
Pour décharger le Parent Normatif qui prend le pouvoir de manière autoritaire. Les questions à se poser sont par exemple « suis-je bien chargé de résoudre ce problème, est-ce bien ma responsabilité ? Quel est mon objectif, qu’est-ce que je veux, qu’est-ce que je décide ? » (*voir « L’analyse transactionnelle » de Vincent Lenhardt chez Eyrolles)